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Pierre Boulez, en mémoire - Hommage Concertclassic
En 1991, au moment, fraichement arrivé à Paris, je découvre ce qui fait la vie musicale parisienne et commence à m’intéresser à la musique contemporaine, Pierre Boulez est pour moi surtout un nom, rencontré sur les pochettes de quelques disques – je me souviens de celui-ci : la suite tirée de L’Oiseau de feu de Stravinsky et la Musique pour cordes, percussions et célesta de Bartók.
Une musique hermétique ? Non, plutôt séduisante !
Je ne crois pas avoir alors jamais entendu aucune œuvre de Pierre Boulez, cela viendra quelques mois plus tard avec l’acquisition de l’enregistrement du Marteau sans maître dans la version d’Elizabeth Laurence avec le compositeur à la tête de l’Ensemble intercontemporain. Il me fallait mettre mettre des notes sur ce nom, Pierre Boulez, dont j’avais si souvent lu et relu la même présentation biographique : né à Montbrison (Loire) en 1925, études de mathématiques, successeur de Leonard Bernstein à l’Orchestre philharmonique de New York et donc compositeur. Hermétique, cette musique ? Non, pourquoi le serait-elle ? Je la trouve plutôt séduisante, j’aime ce rythme imprévisible, les sonorités de la flûte et des percussions (xylophone, vibraphone) qui se complètent et s’entraînent ; j’aime aussi me plonger, sans d’abord y comprendre grand chose, dans la notice qui accompagne l’œuvre et l’explique, comme je lirai ensuite ces ouvrages aux titres forts : Penser la musique aujourd’hui, Par volonté et par hasard… Mais je me souviens aussi de ces émissions sur France Musique ou à la télévision qui, elles, étaient d’une parfaite clarté.
L’assurance du chef face à ses musiciens
J’ai vu Pierre Boulez diriger pour la première fois en mars 1992, au théâtre du Châtelet que dirigeait alors Stéphane Lissner : un programme réunissant des œuvres de Stravinsky, Ives, Berio, mais aussi Ancient Voices of Children de George Crumb (pas vraiment dans son répertoire habituel, mais le concert devait initialement, il me semble, être dirigé par Lorin Maazel). Le regarder diriger est fascinant : rien dans ses gestes n’est superflu, la parfaite assurance du chef face à ses musiciens s’y montre avec évidence. D’ailleurs, c’est tout le côté cérémonieux du concert qui est évacué.
On a souvent loué la qualité des programmes que concevaient Pierre Boulez – on en trouve de magnifiques exemples dans des séries telles ces « Perspectives du XXe siècle » lancées dans les années 1980, autour de l’Ensemble intercontemporain. Comme sa musique, ils étaient souvent une invitation à l’écoute active. Je me souviens de ces concerts à deux orchestres. De mémoire, l’un, au Châtelet en 1993, avec l’EIC et l’Orchestre Philharmonia, réunissait des œuvres aux effectifs contrastés : les six instruments de Dérive 2 de Boulez lui-même et le grand orchestre pour La Mer de Debussy, ainsi que le Concerto pour hautbois d’Elliott Carter, qui fait appel à la nomenclature « standard » de l’ensemble. On écoute l’orchestre avec une bien plus grande attention aux détails quand on a dans l’oreille l’instrumentation réduite à l’essentiel d’une pièce comme Dérive. C’est d’ailleurs une leçon que Pierre Boulez avait tirée de Schoenberg, Webern et Stravinsky.
Quand j’ai découvert la musique de Pierre Boulez, une grande partie de son œuvre était déjà écrite, et je l’ai connue par le disque ou lors de reprises au concert. Découvrir une nouvelle partition – ou la nouvelle version, ou le prolongement d’une œuvre plus ancienne – était toujours un événement. Je me souviens par exemple de l’impression de fulgurance ressentie à l’audition d’Anthèmes par le violoniste Matthew Trusler lors d’un récital à l’Auditorium du Louvre. Il m’avait semblé alors que cette pièce brillante, aux sonorités superbes, pourrait devenir le bis favori de nombreux virtuoses. Je me souviens aussi de l’excitation à l’idée d’entendre pour la première fois Notations VII, dirigée par Myung-Whun Chung pour son premier concert en tant que directeur musical de l’Orchestre philharmonique de Radio France ou de l’émerveillement devant Sur Incises, œuvre majeure, bien loin de l’image qu’on se fait d’une musique difficile : il n’y a qu’à se laisser guider par les sons.
Jean-Guillaume Lebrun
12 décembre 2016
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