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Festival international de piano de La Roque d’Anthéron –Visions contrastées, bonheurs intenses – Compte-rendu
Chaque année depuis 1981, le village provençal de La Roque d’Anthéron s’anime durant le Festival international de piano, et la magie du lieu opère toujours. Etoiles montantes, artistes confirmés et stars du clavier s’y retrouvent dans une programmation riche et variée qui séduit sans discontinuer un public d’aficionados.
Avec l’intégrale des 18 Nocturnes de Chopin donnée à Gordes dans le superbe cadre du Théâtre des Terrasses, le récital de Marie-Catherine Girod tient du défi. La pianiste française a plus d’une corde à son arc et entame sans partition un parcours captivant fait de confidence (les premiers opus) pour gagner progressivement en intensité durant la deuxième partie. La pluie subite qui s’abat pendant le Nocturne n° 17 en si majeur interrompt momentanément cette odyssée si bien conduite sur le plan stylistique et technique. C’est sous la bâche protégeant le Steinway qu’entourée de ses derniers fidèles, la valeureuse soliste, dans un dernier sursaut, rend l’ultime Nocturne en mi majeur digne d’un orage désiré.
Au Parc de Florans, François Dumont (photo) parle lui aussi la langue du compositeur polonais : dans les quatre Ballades tenues avec fermeté mais aussi un contrôle subtil du rubato. La Sonate n° 3, solidement architecturée, emporte l’adhésion tant l’interprète sait doser les climats et accorder au Largo une dimension quasi onirique. Final totalement dominé y compris dans la mise en valeur des contrechants avant le jaillissement de la coda. Bis de rêve, dont un premier mouvement du Concerto italien finement articulé et d’une remarquable précision d’attaque.
Changement d’atmosphère le soir : Denis Matsuev contient ses immenses moyens dans les Scènes d’enfants de Schumann sans réussir à pénétrer le domaine du rêve. Les Kreisleriana sont empoignées avec une fougue parfois excessive bien que les moments d’accalmie apportent une note plus intime. Les pages de Rachmaninov (3 Etudes-Tableaux op. 39, 2 Préludes dont le célèbre sol dièse mineur et la Sonate n° 2) constituent le terrain d’élection de Matsuev, mais la puissance déferlante qui se dégage enthousiasme ou provoque un sentiment de trop-plein. La Boîte à musique de Liadov et un nocturne de Sibelius calment le jeu avant une explosion jazzy et déjantée sur des standards de Duke Ellington.
Plus tempéré, le duo Hervé Billaut-Guillaume Coppola s’entend à merveille dans les 16 Valses op. 39 et les quatre Danses hongroises de Brahms traitées avec énergie et sens poétique à l’instar du Divertissement à la hongroise de Schubert, équilibré sous les doigts de deux interprètes en parfaite osmose.
Nelson Goerner © Jean-Baptiste Millot
Toujours aussi imaginatif, Nelson Goerner signe un Air varié dans le style italien BWW 989 débordant d’invention, de lyrisme et d'énergie rythmique sous ses doigts ailés. La Fantaisie op. 17 de Schumann témoigne d’un romantisme quintessencié : non dépourvue d’élan, la vision du pianiste argentin s’attache avec finesse et sens du détail aux mille nuances de la partition, recherchant davantage la vérité intérieure que les fulgurances. Seconde partie de concert entièrement consacrée à Chopin (Barcarolle, 3ème Scherzo, Nocturnes op. 55, Polonaise « Héroïque »), analogue à son récent récital de La Grange de Meslay (1). Acclamations méritées pour un artiste parvenu au sommet de son art.
Michel Le Naour
(1) Lire le CR : www.concertclassic.com/article/francois-frederic-guy-et-nelson-goerner-au-fetes-musicales-en-touraine-reves-eveilles-compte
Théâtre des Terrasses à Gordes, Parc du Château de Florans – 30 et 31 juillet, 1er août 2016
Photo François Dumont © Jean-Baptiste Millot
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