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Justin Taylor en récital à l’Auditorium du Louvre – Clavecin d’avenir
Avec « La Famille Forqueray », Justin Taylor (photo) signe l’une des plus séduisantes nouveautés discographiques de la rentrée dans le domaine baroque. On en fait d’autant plus volontiers l’éloge que – la chose n’allant pas dans tous les cas de soi, comme chacun sait – les qualités de l’enregistrement(1) du jeune claveciniste franco-américain sont entièrement corroborées par tout ce que l’on a pu entendre de lui en concert.
Piano, clavecin : pourquoi choisir ?, s’est longtemps dit J. Taylor. C’est par le piano qu’il commence, à 9 ans, au Conservatoire d’Angers. Deux ans plus tard, coup de foudre pour le clavecin ! Sans abandonner le piano, il se met au nouvel instrument sous la conduite avisée de Françoise Marmin, pédagogue qui lui ouvre de larges horizons musicaux et envers laquelle il se sent toujours très redevable. A Angers, Taylor mène de front les deux instruments sans trop prêter attention aux remarques de ceux qui lui disent que... peut-être... faudrait-il songer... à... faire un choix.
C’est toutefois en clavecin qu’il se présente et qu’il entre en 2011 au CNSMD de Paris. Examen d’entrée pour lequel il joue entre autres Continuum de Ligeti. A Angers, des membres du Conservatoire se souviennent encore avec éblouissement de l’adolescent apprenant par cœur - en un temps record ! – la redoutable pièce du Hongrois.
De 2011 à 2015, Taylor accomplit un cursus complet en clavecin avec Blandine Rannou et Olivier Baumont, « deux musiciens très différents dans leur approche de la pédagogie et de la musique ». Il aura par ailleurs l’occasion de suivre des masterclasses de Skip Sempé et Pierre Hantaï, Bob van Asperen et Françoise Lengellée.
Le piano ne disparaît par pour autant de ses préoccupations puisque de 2013 à 2015, il travaille aussi avec Roger Muraro. « Je ne me voyais pas arrêter un instrument au profit de l’autre, se souvient-il. Roger Muraro m’a énormément appris en piano et a aussi su se montrer compréhensif par rapport au double cursus que je menais ». De côtoyer l’un des plus fabuleux coloristes du piano français ne lui aura sûrement pas été inutile, peut-on ajouter.
Mais l’heure du choix approche... A peine sorti du Conservatoire, son prix de clavecin en poche, Justin Taylor se présente en août 2015 au prestigieux Concours de clavecin de Bruges. Et rafle la mise : Premier Prix et Prix du Public – une conjonction toujours particulièrement significatrice -, Prix de l’EBO (European Baroque Orchestra) et Prix du label Alpha.
Le déclic de produit alors : ce sera le clavecin !
Un talent comparable à celui de Taylor ne pouvait échapper à une oreille aussi fine que celle d’Yves Petit de Voize qui, dès la fin 2015, accueille l’artiste en résidence à la Fondation Singer-Polignac, avec ses amis du Taylor Consort : Izleh Henry (violon), Sophie de Bardonnèche (violon) et Louise Pierrard (viole de gambe). De la Fondation Polignac au Festival de Pâques de Deauville le chemin est court, comme chacun sait, et on y a retrouvé J. Taylor en avril dernier, au pianoforte, dans le Concerto n° 17 de Mozart, sous la direction de Julien Chauvin. Le pianoforte en concert est ce jour-là une première pour l’interprète - et un défi lancé par Y. Petit de Voize. Taylor se montre totalement à la hauteur de l’enjeu – Concertclassic y était (2). « C’était un saut dans l’inconnu, mais j’ai été ravi et émerveillé du résultat, se souvient-il. Avec Julien Chauvin, nous avons d’autres projets autour des concertos de Mozart. »
Finalement, J. Taylor envisage désormais un avenir mêlant clavecin et pianoforte, en soliste, mais aussi aux côtés de ses excellents partenaires du Taylor Consort, ensemble auquel se joint volontiers la magnifique mezzo Eva Zaïcik.
Mais pour l’instant c’est par le clavecin que beaucoup vont découvrir J. Taylor. Le CD « La Famille Forqueray » qui vient de sortir est le fruit - goûteux - du Prix Alpha obtenu à Bruges. « J’ai eu complètement carte blanche, se félicite l’interprète, pour le programme, pour le choix du clavecin comme pour celui de l’équipe avec laquelle je souhaitais travailler. »
Pourquoi les Forqueray ? « J’ai toujours été fasciné par la famille Forqueray, par le caractère mystérieux d’une musique - pleine d’harmonies très audacieuses pour l’époque – qu’il est difficile de relier avec ce qui a précédé. » Aux ouvrages d’Antoine (1672-1745) et Jean-Baptiste (1699-1782) Forqueray, Taylor a adjoint une – superbe – transcription de sa main de la Suite pour trois violes attribuée à Forqueray père, mais aussi des hommages à Forqueray signés Couperin et Duphly.
Programme d’une cohérence parfaite où le son sculpté, l’imagination poétique et le sens des arrière-plans vous tiennent en haleine de la première note du Prélude non mesuré en ré mineur d’Antoine à la jupitérienne conclusion de la Cinquième Suite en do mineur de Forqueray fils
Piano, clavecin ? Justin Taylor a fait le bon choix, se dit-on en goûtant à l’art déjà très abouti d’un musicien de seulement 24 ans.
L’Auditorium du Louvre ne s’y est pas trompé, qui accueille l’artiste lors des journées d’ouverture de sa saison musicale. Jeudi 22 septembre (à 12h 30), J. Taylor a rendez-vous avec Forqueray (Cinquième Suite), Bach (Toccatas BWV 914 et 912) et Couperin (extraits du 17ème Ordre). Et le public avec un artiste à suivre de près.
Alain Cochard
(Entretien avec Justin Taylor réalisé le 6 septembre 2016)
(1) 1CD Alpha 247 (dist. Outhere)
(2) www.concertclassic.com/article/20e-festival-de-paques-de-deauville-elan-commun-compte-rendu
Justin Taylor, clavecin
Œuvres de J.-B. Forqueray, Bach et F. Couperin
22 septembre – 12h30
Paris – Auditorium du Louvre
www.louvre.fr/portrait-de-famille-0
Photo Justin Taylor © Sandrine Expilly
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