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42nd Street au Théâtre du Châtelet – Pour l’amour de Broadway - Compte-rendu
Dans 42nd Street, la musique n’est pas la vedette. Entraînante, certes, et porteuse de quelques airs entêtants : Harry Warren, auteur des « tubes » Jeepers Creepers ou Chattanooga Choo Choo, est un mélodiste remarquable qui s’empare avec efficacité des lyrics d’Al Dubin, mais l’invention, la poésie, la finesse d’orchestration surtout n’est pas celle de Bernstein (Candide), de Richard Rodgers (The Sound of Music, The King and I), voire de Nacio Herb Brown pour Singin’ in the Rain, sans parler du raffinement de Stephen Sondheim (A Little Night Music, Sweeney Todd, Sunday in the Park with George, Into the Woods) – pour s’en tenir à l’exceptionnel florilège de musicals que le Théâtre du Châtelet a présentés pendant les dix années du mandat de son directeur Jean-Luc Choplin. Cela n’empêche pas Gareth Valentine de faire swinguer avec ferveur l’« Orchestre du Châtelet », ensemble ad hoc cuivré et rutilant.
Non, la vedette ici, c’est la danse : la tap dance, les claquettes, véritable signature des musicals de Broadway. Et Stephen Mear chorégraphie ces numéros en véritable maître. Dès la première scène, l’entrain et la précision des danseurs emportent l’enthousiasme et l’ovation du public. Le chorégraphe, qui signe aussi la mise en scène, fait de 42nd Street, cette mise en abyme des coulisses de Broadway, une apothéose de virtuosité et va plus loin encore – avec la quarantaine de danseurs de la troupe, la chorus line – que dans ses chorégraphies pour Singin’ in the Rain, mis en scène l’an dernier par Robert Carsen sur cette même scène du Châtelet. Il faut dire que ses solistes sont épatants, à commencer par Stephane Anelli dans le rôle d’Andy Lee, chorégraphe de ce Pretty Lady dont les répétitions et la création sont le sujet de 42nd Street. Emma Kate Nelson (Annie) est l’exemple même de ces artistes, piliers des théâtres du West End londonien, qui savent tout faire : comédie, chant, danse. Et que dire de Jennie Dale, explosive dans le rôle de Maggie Jones, celle qui prend sous son aile la jeune Peggy Sawyer, héroïne de 42nd Street ?
© Théâtre du Châtelet / Marie-Noëlle Rober
Dans ce rôle de débutante qui finira par triompher en vedette de Pretty Lady – une trame classique, maintes fois remise à l’honneur à Broadway comme à Hollywood – la jeune Monique Young brille, aussi convaincante dans les scènes parlées que chantées, et parfaite, elle aussi, dans les chorégraphies endiablées de Stephen Mear. Ria Jones, qui joue Dorothy Brock, la star capricieuse remplacée par Peggy avant la première de Pretty Lady, tient parfaitement son rôle, qui est davantage en demi-teinte : moins de danse – mais quelle présence ! – et un chant plus lyrique (magnifique Shadow Waltz dans la première scène).
Les rôles masculins sont un peu plus en retrait. Alexander Hanson ne manque pas de prestance en Julian Marsh, producteur roi de Broadway qui met toute son énergie dans Pretty Lady. Impeccable dans les scènes de théâtre, il n’a guère qu’un grand air (Lullaby of Broadway) : le chant est un peu hésitant mais plein d’émotion. En revanche, on s’explique mal que la sonorisation, qui se laisse oublier pour les chanteuses, réponde assez mal aux voix masculines – c’est le cas aussi pour le Billy un peu pâle de Dan Burton – qui sonnent comme détachées du corps des acteurs.
On oublie vite cependant cette seule réserve tant le spectacle nous plonge dans un émerveillement permanent, une effervescence de couleurs – les décors et costumes de Peter McKintosh magnifiquement mis en valeur par les lumières de Chris Davey – qui culmine dans les dernières scènes, célébration de la 42e Rue. Comme la troupe de Pretty Lady, Jean-Luc Choplin réussit avec panache sa déclaration d’amour à Broadway.
Jean-Guillaume Lebrun
Harry Warren & Al Dubin : 42nd Street. Paris, Théâtre du Châtelet, vendredi 18 novembre 2016, jusqu’au 8 janvier 2017 / www.concertclassic.com/concert/42nd-street
Photo © Théâtre du Châtelet / Marie-Noëlle Rober
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