En lançant en 2005 le Festival Musiques au Pays Pierre Loti, Julien Masmondet (photo) avait pour projet de favoriser la redécouverte de tout un patrimoine musical français lié à la l’époque, à la personne et à l’œuvre de l’écrivain rochefortais.
 « Dès le départ, j’avais eu l’idée de monter L’Île du rêve, se souvient-il, une réalisation de jeunesse de Hahn – il avait 17 ans seulement – et un vrai petit chef-d’œuvre, inspiré du roman Le Mariage de Loti ». Chi va piano ... Compte-tenu des moyens requis pour une production lyrique, J. Masmondet préféra se concentrer durant les premières années sur le répertoire instrumental – croisant fort les doigts pour que nul ne lui chipe sa belle idée ! Ce n’est qu’au mois de mai dernier, lors de la 12^e édition du festival, que ce qui constitue le premier ouvrage lyrique de Hahn a enfin pu être représenté au théâtre de la Coupe d’Or de Rochefort –  Concertclassic s’en était fait l’écho(1). Il était temps : créé en 1898 à l’Opéra-Comique, il n’avait connu que deux reprises, en 1942 à Cannes et en 2000 ... à Tahiti, où l’ « Idylle polynésienne en deux actes » fut donnée dans des décors naturels.
 

Enguerrand de Hys (Loti) et Marion Tassou (Mahénu), à Rochefort en mai 2016 © Odile Motelet

Séduit par le projet de J. Masmondet, Pierre Bergé (Président d’honneur et mécène de Musiques au Pays de Pierre Loti) lui conseille de prendre contact avec Patrice Martinet. Le directeur du théâtre de l’Athénée assiste au spectacle mis en scène par Olivier Dhénin et, séduit, décide de l’inscrire à l’affiche de sa saison 16/17. L’Île du rêve constitue donc la première production lyrique de la maison de Louis Jouvet depuis sa réouverture en septembre dernier - et inaugure par la même occasion sa nouvelle fosse d’orchestre modulable.

On s’impatiente de découvrir un spectacle qui a eu le temps de mûrir depuis le printemps. « Nous avons pu affiner la production, les décors, travailler longuement avec les chanteurs – identiques à ceux des représentations de Rochefort – pour parvenir à un résultat plus abouti encore, explique J. Masmondet. » Nul dépaysement pour autant avec le passage à l’Athénée dont les dimensions sont proches de celles du théâtre de la Coupe d’Or.
Autant dire que l’intimisme de la salle parisienne convient idéalement à un opéra que l’on découvre dans une réduction pour douze instruments (quintette à cordes, quintette à vent, harpe et percussions) signée de l’excellent Thibault Perrine. « L’orchestration originale, très transparente, se prête bien à pareil arrangement, remarque le chef. Nous disposons ainsi d’un opéra de chambre qui pourra, je l’espère, être par la suite repris sur d’autres scènes. »

Car J. Masmondet souhaite faire largement découvrir une partition chère à son cœur. « C’est du velours pour les chanteurs, on y trouve une élégance, un raffinement typiquement français ; un génie mélodique très fin XIXe, mais aussi une forme de mélodie continue qui regarde vers Pelléas. Hahn n’est pas que l’auteur de Ciboulette, son premier ouvrage lyrique montre un tout autre visage. C’est un vrai opéra qui, dans certaines pages présente une dimension très mélancolique et tragique. »

Fervent avocat d’une école française de chant dont il « regrette qu’elle ne soit pas assez défendue », le chef a tenu à faire appel à une distribution entièrement française – sélectionnée par ses soins – et en large partie issue de l’Académie de l’Opéra-Comique (Marion Tassou, Enguerrand de Hys, Eléonore Pancrazi, Safir Behloul, Ronan Debois) pour une œuvre où la diction s’avère essentielle.

Lorsqu’il évoque L’Île du rêve, J. Masmondet ne manque pas d’avoir une pensée pour Daniel de Vengohechea, petit-neveu – hélas décédé – du compositeur et son épouse Eva, ainsi que pour le musicologue Philippe Blay, spécialiste incontesté de Hahn (1) ;  tous l’ont chaleureusement encouragé depuis l’origine d’un projet qui se concrétise enfin à Paris, pour le plus grand bonheur des mélomanes curieux. Cinq dates seulement ; ne les manquez pas !   

Alain Cochard

(1) lire le CR : www.concertclassic.com/article/lile-du-reve-de-reynaldo-hahn-au-festival-musiques-au-pays-de-pierre-loti-emouvante
 
(2) En attendant la monographie que Philippe Blay prépare pour le courant de la saison 2017/2018, on se reportera à l’excellent « Reynaldo Hahn, un éclectique en musique », ouvrage qui rassemble les actes du colloque organisé en mai 2011 à Venise par le Palazzetto Bru Zane et dont le musicologue a assuré la coordination. ( Actes Sud / Palazzetto Bru Zane)
 
Hahn : L’Île du rêve
Les 6, 8, 9, 10 et 11 décembre 2016
Paris – Athénée Théâtre Louis-Jouvet
www.athenee-theatre.com/saison/spectacle/l_ile_du_reve.htm

Photo Julien Masmondet © Odile Motelet