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« Ombre et Lumière », avec Agnès Letestu - L’étoile brille toujours - Compte rendu
Bonheur que de retrouver Agnès Letestu sur une scène française, alors qu’elle s’était faite rare depuis son rideau d’adieu dans une bouleversante Dame aux Camélias au Palais Garnier, en octobre 2013. On la savait très active à l’étranger, dans des tournées et des galas, mais son public regrettait de ne plus goûter l’élégance de sa fine silhouette, de sa présence aussi altière que dramatique quand le rôle le nécessitait et la souveraineté d’un comportement impeccable.
Ses longues jambes avaient fait oublier celles de Sylvie Guillem, laquelle avait déserté et emporté avec elle son arrogance et son génie. Avec Letestu, ce fut un parcours tout en harmonie, du moins à ce qu’elle en a laissé paraître, et qu’un superbe ouvrage, Agnès Letestu, danseuse étoile, paru récemment chez Buchet-Chastel (1), retrace en la laissant parler à la première personne. Gérard Mannoni, qui a connu à peu près toutes les étoiles dignes de ce nom sur la planète, lui a en effet laissé le micro pour des confidences passionnantes, et aussi inspirées que pragmatiques. Letestu, donc, en laquelle Chauviré croyait fort, s’y montre telle qu’elle est, inchangée, sincère, élégante, le maître mot de ce beau personnage. Et de ce joli spectacle qu’elle partage avec ses camarades de l’Opéra de Paris, au premier chef Bruno Bouché, chorégraphe et homme de convictions, lequel a créé, en marge de sa carrière de sujet à l’Opéra, un petit groupe qui donne des ailes à quelques danseurs désireux d’aller, sinon plus loin dans la chorégraphie, du moins ailleurs.
Agnès Letstu & Edna Stern © Agathe Poupeney/ PhotoScene
Incidence chorégraphique, tel est son nom, a donc, aux mesures de Letestu, façonné pour elle ce programme où elle paraît dans deux pièces très émouvantes : l’une sur la 5ème Sonate de Scriabine, jouée par Edna Stern, complice de Letestu, avec deux autres ballerines de l’Opéra, Jennifer Visocchi et Letizia Galloni, montre un trio en grande exaltation, porté par un intense désir d’élévation et auquel les beaux costumes dessinés par Letestu – car elle maîtrise cet art parfaitement, sur la lancée de son maître Christian Lacroix – donnent un axe graphique subtil.
Une voix dans la nuit, également chorégraphié par Bouché sur la Sonate en do mineur de Galuppi la montre en osmose avec la musique, se regardant au-delà du miroir, et sonne come un appel mystérieux tandis qu’elle ondule autour de la pianiste. Très prenant. Trois pièces complètent cette galerie dite Ombre et Lumière : Bless, ainsi soit-il, de Bruno Bouché, sur la Chaconne de Bach/Busoni. Le piano d’Edna Stern y brouillait peut être les intentions du chorégraphe. Jolie variation sur le thème de « nous sommes tous des Roméo et Juliette » pour Le drame de la jeunesse d’Yvon Demol, chorégraphe ami, où deux couples étincellent de fraîcheur (sur des pages de Prokofiev). Enfin une sorte de mélopée chorégraphique dans Nous ne cesserons pas, portée par quatre excellents jeunes gens, dont une présence particulièrement forte, celle d’Isaac Lopes Gomes, tout de vif-argent. Là le menu était copieux, puisqu’il s’agissait d’illustrer rien moins que la Sonate de Liszt. Bruno Bouché s’y est confronté avec vigueur, une vigueur qui va lui être bien nécessaire puisque dès le 1er septembre 2017, il prendra la tête du Ballet du Rhin !
Jacqueline Thuilleux
(1) « Agnès Letestu Danseuse étoile, avec Gérard Mannoni (éditions Buchet-Chastel, 224 p. 19€)
« Ombre et Lumière » - Compiègne, Théâtre Impérial, 26 novembre 2016. Prochaines représentations :
- Saint Quentin, Théâtre Jean Vilar, 4 février 2017, www.saint-quentin.fr
- Fontainebleau, Théâtre Municipal, 4 mars 2017, www.fontainebleau.fr
- Le Chesnay, Grande Scène, 17 juin 2017 , www.lechesnay.fr
Site d’Incidence chorégraphique : incidencechoregraphique.com
Photo © Agathe Poupeney/PhotoScene
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