Journal
Rentrée du Centre de Musique de Chambre de Paris à la salle Cortot – Vous avez dit chambriste ?
Les dictionnaires en font une affaire d’effectif, mais la musique de chambre relève d’abord d’un certain état d’esprit. C’est lui que le violoncelliste Jérôme Pernoo a décidé de cultiver avec une équipe de jeunes collègues talentueux en lançant il y a deux ans le Centre de Musique de Chambre de Paris à la salle Cortot.
Tandis que les concerts de musique instrumentale se produisent à une date unique (ou sont au mieux doublés s’agissant du symphonique), la programmation du Centre de Musique de Chambre obéit au principe de la série : chaque programme – deux par soirée (45’ pour le premier, une heure pour le second), quatre par mois – est donné six fois sur deux semaines (les jeudis, vendredis et samedis).
© Centre de Musique de Chambre de Paris
Pour sa rentrée de janvier, le CMCP fait appel en première partie au duo de piano formé par Guillaume Bellom et Ismaël Margain. L’entente entre ces deux artistes de 24 ans n’est plus à démontrer, mais le bonheur est grand de les retrouver dans l’acoustique parfaite de Cortot et de savourer la respiration commune avec laquelle ils abordent le Suite n° 1 de Rachmaninov. Leurs palettes sonores s’apparient idéalement pour cultiver les atmosphères des quatre morceaux de ce que l’auteur qualifia initialement de Fantaisie-Tableaux. Pas une once de mièvrerie, de facilité dans leur interprétation mais une plénitude des timbres et de la polyphonie, une envoûtante poésie (superbes Larmes !) qui disent quel fabuleux compositeur se profile dans cette réalisation de jeunesse. En complément, le duo a retenu trois extraits (Le Chevaux de bois, La Poupée, Le Bal), des Jeux d’enfants de Bizet, tendre et pétillante parenthèse à quatre mains, avant de conclure à deux pianos par une l’une des Valses op. 39 de Brahms.
(de g. à dr. ) : Irène Duval, Brieux Vourch, Yedam Kim, Léa Hennino, Andrien Bellom © Centre de Musique de Chambre de Paris
Second volet de la soirée, « La mort du poète » s’organise autour du Quintette avec piano op. 44 de Schumann, accompagné de quelques pièces pour piano seul ou chambristes du même au sein d’un concert scénarisé qui s’appuie sur des extraits de lettres de Robert et Clara.
La troupe du Centre de Musique de Musique de Chambre est à l’œuvre, excellemment préparée par J. Pernoo. Après la course anxieuse du n°4 des Chants de l’aube, le piano de Yedam Kim s’unit successivement au violoncelle d’Adrien Bellom – le frère de Guillaume – pour une Romance op. 94 d’une tendre plénitude. Pas moins charmeuse sur le violon de Brieuc Vourch, la Romance op. 22 n° 1 contraste avec le propos rageur du n° 3 des Märchenbilder op. 113 pour alto par Léa Hennino. Irène Duval rejoint les quatre musiciens déjà en scène pour tenir la partie de violon I du Quintette en mi bémol majeur et tous se lancent ! Pas de partition : le travail de mémorisation que J. Pernoo exige de sa troupe est le gage d’une liberté et d’un engagement dont on goûte les fruits dans cet Opus 44. Un quintette avec piano, pas un quatuor avec un piano : équilibre, foisonnement des détails, intensité d’un échange incessant où nul ne tire la couverture à soi ; bref, l’esprit chambriste dans toute sa plénitude !
Mais on oubliait l’entracte, car la musique a sa place aussi entre les deux parties de la soirée au Centre de Musique de Chambre, avec le Freshly composed (d’une durée d’une quinzaine de minutes) durant lequel, chaque semaine, un compositeur est invité à faire entendre quelques pages récentes. Du 5 au 7 janvier, Alexander Liebermann (né en 1989) (1) aura été présent, accompagnant du piano Bo-Geun Park dans le mouvement lent de sa Sonate pour violoncelle et la voix de Caroline Villain dans deux mélodies (Le Fugitif, sur un poème de Paul de Roux, et « Calme est la nuit », sur un texte de sa plume). Un univers plein de mélancolie et de lyrisme (car mélodie n’est pas une gros mot pour Liebermann ...), que l’on ne demande qu’à découvrir de façon plus approfondie.
Les 12, 13 et 14 janvier, Jean-Baptiste Robin sera l’hôte du Freshly composed, avec la complicité de la violoniste Saskia Lethiec. Et notez dès à présent les prochains rendez-vous du Centre : le Trio de Ravel par le Trio Zadig (du 19/01 au 04/02) – jeune ensemble très remarqué lors de la dernière Académie Ravel de Saint-Jean-de-Luz (2) – et une alléchante Histoire du Soldat, en coproduction avec la Fondation Igor Stravinsky (du 26/01 au 4/02).
Alain Cochard
(1) www.alexanderliebermann.com
(2) www.concertclassic.com/article/academie-ravel-de-saint-jean-de-luz-47eme-session-la-victoire-de-lesprit-chambriste
Paris, Salle Cortot, 5 janvier, prochains concerts (Duo Bellom Margain à 20h – « La mort du poète » à 21h30), les 12, 13 et 14 janvier 2017/ www.centredemusiquedechambre.paris
Photo Ismaël Margain (à g.) et Guillaume Bellom (à dr.) © Caroline Doutre
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