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Le Duo Berlinskaya-Ancelle à la salle Cortot – Perspective nouvelle – Compte-rendu
Le duo de piano aura été gâté en ce début d’année à Cortot ! Parallèlement à la présence remarquée de Guillaume Bellom et Ismaël Margain dans une série du Centre de Musique de Chambre de Paris (1), Ludmila Berlinskaya et Arthur Ancelle (photo) étaient, le temps d’un soir, les hôtes de la salle de la rue Cardinet avec un programme pour le moins original. Le public a répondu en nombre pour découvrir en concert la Sonate en si mineur de Liszt transcrite à deux pianos par Camille Saint-Saëns. Cet arrangement méconnu remonte à 1914 et vient de faire l’objet d’un premier enregistrement mondial (chez Melodiya) par le Duo Berlinskaya-Ancelle.
La parfaite entente des artistes se vérifie en concert. Dans ce contexte on saisit, sans doute mieux encore que par le disque, l’originalité de la démarche du transcripteur. Maître es clarté en matière de composition l’auteur du Rouet d’Omphale le demeure lorsqu’il entreprend d’arranger la Sonate d’un aîné admiré - ô combien ! La réunion des deux pianos ne consiste pas en une addition visant à jouer « plus fort », mais en une conjonction d’éclairages, un gain d'acuité qui procurent la sensation de plonger dans les tréfonds d’un chef-d’œuvre pour y découvrir des détails insoupçonnés. D’autant que, aidés par l’acoustique de Cortot, les interprètes peuvent s’autoriser une lecture d’une grande finesse, engagée mais sans esbroufe.
La Danse macabre de Saint-Saëns, arrangée pour deux pianos par Arthur Ancelle à partir de la fameuse version pour piano solo de Liszt revue par Horowitz, s’inscrit dans la même optique. L’écoute mutuelle et l’art de la couleur font merveille dans une interprétation pleine d’esprit – il n’est pas bien méchant on le sait le Satan de Cazalis – et de caractère. On goûte autant un Prélude à l’après-midi d’un faune (version à deux pianos de Debussy) éloigné de certaines facilités « impressionnistes » et empli d’une prégnante étrangeté – avec la liberté de quelques cordes pincées au piano II à la toute fin de la pièce ! Debussy encore avec une Plus que lente (transcrite à deux pianos par Youri Mayevski) épatante de charme ironique, et l’on s’apprête à terminer par L’Apprenti sorcier de Dukas ...
Mais, distraits à l’approche du concert, nos deux pianistes ont oublié leurs partitions chez eux ... Ils sont tout pardonnés, d’autant que la solution de remplacement n’a rien d’une solution de facilité : La Valse de Ravel – rien que ça ! – ondoyante et sombre, conclut un récital que couronnent en bis une onirique Berceuse de Louis Aubert (tirée la méconnue Suite brève op. 6) et des Variations Paganini de Lutoslawski d’un éclat et d’une musicalité à l’image d’un duo que l’on aimerait entendre bien plus souvent dans les salles françaises.
Alain Cochard
Paris, Salle Cortot, 10 janvier 2017
Photo © Laurent Bugnet
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