Journal
Pierrot lunaire au Théâtre de l’Athénée – Schönberg au pays du Bunraku – Compte-rendu
Après la rare Île du rêve de Hahn et une très originale Petite Renarde rusée de Janáček selon Louise Moaty, c’est une vision non moins singulière et attachante du Pierrot lunaire d’Arnold Schönberg que l’on a pu découvrir dans une production confiée à l’équipe de marionnettistes de Jean-Philippe Desrousseaux, l’Ensemble Musica Nigella et la mezzo Marie Lenormand.
Pierrot ... © Gabriele Alessandrini
Desrousseaux et ses compères, dont on a pu applaudir l’immense talent à l’occasion de drôlissimes parodies d’opéras baroques montées avec le CMBV (Hippolyte et Aricie, Atys), changent ici d’univers et traitent l’ouvrage de Schönberg à la manière d’une pièce de Bunraku, théâtre de marionnettes japonais dans lequel icelles sont mues par des manipulateurs entièrement drapés de noir. La performance de l’équipe de Derousseaux tient à ce que quatre personnes seulement (en théorie une marionnette, dans le Bunraku, est partagée entre trois manipulateurs ; l’un pour le bras droit et la tête, l’autre le bras gauche, le dernier les pieds) jonglent ici entre quatre personnages (Pierrot, Colombine, Cassandre et une vieille femme) et parviennent à donner vie avec une fluidité extraordinaire à la pièce de « théâtre lyrique avec marionnettes » que devient ici Pierrot lunaire - "L'histoire se situe dans une maision close au Japon à l'époque Edo" ... Il serait aussi fastidieux qu’inutile d’énumérer les détails que l’on est tenté de souligner après avoir cédé à sa magie ; il faut en éprouver la subtilité (bravo à François-Xavier Guinnepain aussi pour ses lumières !), goûter la poésie infinie qui s’en dégage ...
... et Colombine © Gabriele Alessandrini
Placés sur une estrade surélevée en fond de scène, les musiciens de l’Ensemble Nigella (conduits par l’excellent Takénori Némoto) et Marie Lenormand offrent une interprétation très sensible, à mille lieux d’un Schönberg façon nous-allons-vous-montrer-combien-c’est-moderne-et-audacieux-pour-son-époque. La mezzo demeure à côté de ses partenaires instrumentistes pendant toute l’œuvre, hormis pour Der kranke Mond où elle entre dans l’espace marionnettique et s’approche de Colombine – très belle idée !
Brève partition que Pierrot lunaire ; les Quatorze manières de décrire la pluie de Hanns Eisler, accompagnées d’une vidéo abstraite et japonisante (signée Gabriele Alessandrini) – dans la composition de laquelle le kanji ame/la pluie occupe une place importante – tiennent lieu de prélude à un Schönberg qui a fait un tabac – mérité ! – le soir de la première. Un bijou.
Alain Cochard
Schoenberg : Pierrot lunaire – Paris, Athénée Théâtre Louis-Jouvet, 24 mars 2017
Photo © Gabriele Alessandrini
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