Journal
Festival de Verbier 2017 - Symphonie alpestre
L’an passé, ils étaient 43 000 à répondre à l’appel de ce Walhalla de la musique classique, puisque Verbier se targue d’être le plus haut festival du monde, à 1500 mètres d’altitude ! Entre trottinette et parapente les grands jours, et parfois aussi sous les déluges qui font alors de la salle des Combins une arche de Noé, ce grand jamboree des mélomanes n’a pourtant rien d’une sacralisation : tout s’y déroule dans la simplicité, la convivialité, l’échange entre public et artistes, lesquels y séjournent autant qu’ils y apparaissent. Il est vrai que le regroupement de jeunes gens entre 19 et 29 ans, sélectionnés dans les principales villes d’Europe et des Etats-Unis, pour composer le Verbier Festival Orchestra, rencontre au sommet si l’on peut dire, le temps d’un été, crée une ambiance de fraîcheur et d’enthousiasme qui ne se vit pas forcément avec les grandes formations institutionnelles mondiales.
Pour la 24e édition de son festival, donc, Martin Engström promène son fin et ironique sourire, réservé mais terriblement efficace, sans rien perdre de sa nonchalance : « Dans les premières années, dit ce Suédois atypique, la vie ici était idéale. On skiait le matin, on se reposait l’après-midi et le soir on faisait la musique ! ». Evidemment il n’en est plus ainsi aujourd’hui, alors que Verbier est devenu, pour deux grandes semaines, une véritable fourmilière où s’entrechoque le gotha musical mondial.
Antonio Pappano © PC Musacchio & Ianiello licensed to EMI Classics
La donne ? Toujours la même dans son principe: un mélange de concerts orchestraux et lyriques de prestige, de récitals et de musique de chambre qui mêlent stars et espoirs, phénomènes et repères. Cette année, l’incontournable Daniil Trifonov a la part belle puisqu’il participe à quatre concerts, et l’on va pouvoir y applaudir deux nouvelles étoiles, les pianistes Ji Liu et George Li, tandis que des valeurs sûres tels que Evgueny Kissin, Nicolaï Lugansky, Andras Schiff, Renaud Capuçon, Janine Jansen, Vadim Repin, Richard Goode, ou Yefim Bronfman se relaieront de salle en salle et de masterclasses en concerts de chambre et récitals. Et pour titiller les curiosités et attirer un plus vaste public, Thomas Quasthoff y chantera le blues, tandis que Pink Martini enflammera les Combins, quelques jours avant le Mozart cubain, Chucho Valdès.
Les baguettes, elles, sont majeures, notamment pour deux de ces performances lyriques dont Verbier a le secret. On se souvient notamment d’une extraordinaire Tosca, où serrés entre la salle et l’orchestre, les chanteurs avaient pu, sur un espace minuscule, juste habité d’une table, d’un chevalet et d’une chaise, donner autant de vie au drame que n’importe quelle mise en scène hors de prix. Session straussienne donc avec une Salomé qui verra la dernière apparition de Charles Dutoit à la tête du Verbier Festival Orchestra qu’il a dirigé depuis de longues années avec une énergie électrisante, tandis qu’Esa Pekka Salonen mènera la danse de mort d’Elektra. A ne pas oublier aussi, Antonio Pappano pour la Vie d’un héros de Strauss toujours, outre le flamboyant Gianandrea Noseda pour la 9e Symphonie de Mahler. On prêtera attention aussi au jeune Finnois Santtu-Matias Rouvali (photo) – successeur de Gustavo Dudamel à l’Orchestre de Göteborg – dans un programme symphonique avec Martin Fröst à la clarinette.
A tout cela, moments de prestige, tandis que l’Académie y continue son travail de fond, séances atypiques, et enthousiasme du Verbier Festival Orchestra Junior – eux âgés de moins de 19 ans –, il ne manque qu’un rêve à réaliser, que Martin Engström et la directrice Laurence Marchand, qui partage les responsabilités avec lui, portent en eux : la construction d’une vraie salle où les concerts puissent enfin se goûter pleinement. A de telles hauteurs, on ne peut que partager leur rêve.
Jacqueline Thuilleux
Verbier festival, du 21 juillet au 6 août 2017 / www.verbierfestival.com
Photo (Santtu-Matias Rouvali) © Kaapo Kamu
Derniers articles
-
25 Novembre 2024François LESUEUR
-
25 Novembre 2024Jean-Guillaume LEBRUN
-
25 Novembre 2024Archives du Siècle Romantique