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Compte-rendu - La Cantatrice chauve à l’Athénée - De l’absurde dans le lyrique
Depuis quelques années, le Théâtre de l’Athénée, haut lieu de la vie théâtrale parisienne, fait se côtoyer répertoires dramatique et lyrique avec un louable souci de la découverte. L’initiative a été, cette saison, poussée plus avant avec pas moins de sept opéras dont quatre du XXe siècle et un du XXIe, ce qui fait de l’ancien théâtre de Louis Jouvet une scène lyrique de premier plan. Après de beaux succès tels Le Tribun de Mauricio Kagel, qui venait juste de décéder, en octobre ou, plus récemment, le superbe Riders to the Sea de Vaughan Williams mis en scène par Christian Gangneron, L’Athénée accueillait la première française d’un opéra de Jean-Philippe Calvin.
Comme Philip Glass pour Les Enfants terribles (d’après Cocteau) ou Ralph Vaughan Williams pour Riders to the Sea (d’après Synge), deux opéras à l’affiche plus tôt dans la saison, Jean-Philippe Calvin a adapté un classique du théâtre : La Cantatrice chauve d’Eugène Ionesco. Quelque peu condensée, la « non-intrigue » ainsi mise en musique ne perd rien de sa verdeur. François Berreur, en bon connaisseur de la pièce (il tenait le rôle du Capitaine des pompiers dans la production de Jean-Luc Lagarce, reprise dans les mêmes lieux en 2006), tire parti d’un décor unique et minimal : le salon de M. & Mme Smith, point de rencontre de toute l’absurdité d’un monde engoncé dans ses conventions, langagières ou autres. Les deux couples (les Smith et les Martin), interchangeables jusque dans leur vêture, la bonne à la fois délurée et moralisatrice, le pompier faux timide et fâcheux bavard sont autant de portraits tout en contradictions que le metteur en scène et son costumier David Belugou brossent avec une alerte férocité.
Alors que la pièce de Ionesco a déjà fait l’objet d’adaptations à l’opéra, dont l’une, un peu trop sérieuse, de Luciano Chailly, avait été présentée en 1997 à l’Opéra Comique, Jean-Philippe Calvin voulait « créer à l’instar de l’anti-pièce de théâtre, une forme contemporaine d’anti-opéra bouffe », se demandant « pourquoi ne pas envisager un opéra comme une œuvre tout simplement drôle ». Pour ce faire, le compositeur de trente-quatre ans, professeur au Royal College of Music de Londres, se livre avec délectation au jeu du pastiche et de la parodie, qui culmine lors du duo d’amour de M. et Mme Martin mené « in ruhig fliessender Bewegung » sur l’air du scherzo de la 2e Symphonie de Mahler. Un tel humour musical, qui évoque Berio (le compositeur italien avait repris ce même mouvement de Mahler dans sa Sinfonia) mais aussi Philippe Boesmans, manque rarement son but et se montre ici particulièrement efficace, tout comme l’espagnolade virant au tango qui accompagne l’entrée sur scène de la bonne, Mary (exceptionnelle Valérie Komar). Cependant, multipliées, les fantaisies de Jean-Philippe Calvin rapprochent sa Cantatrice chauve davantage du music-hall ou de la comédie musicale. Le texte de Ionesco demeure le principal facteur d’unité de l’œuvre et l’orchestre, par moments, n’est plus là que pour ponctuer les aphorismes sans queue ni tête des personnages. La fin de l’ouvrage n’est plus que bruit : abdication un peu convenue du musicien à traduire le paroxysme furieux du texte.
L’œuvre cependant a le charme du vrai divertissement. Elle le doit aussi largement à l’implication de l’ensemble de la jeune distribution retenue pour ces trois représentations, et accompagnée avec un grand souci d’équilibre et de clarté par Vincent Renaud à la tête de l’Orchestre Lamoureux. Prenant visiblement plaisir à chanter une musique bien écrite pour les voix, les six solistes se montrent de surcroît excellents acteurs.
Jean-Guillaume Lebrun
Paris, Athénée, jeudi 30 avril 2009
> Programme du Théâtre de l’Athénée
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Photo : DR
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