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Giovanna d’Arco en version de concert à l’Opéra de Marseille – Trio d’enfer pour victoire divine – Compte-rendu

 
 
Quelques jours après la performance royale de Karine Deshayes en Elisabetta (1), c’est Yolanda Auyanet qui était conviée à revêtir l’armure de Jeanne d’Arc. Certes pour « bouter l’anglois hors de France » mais surtout pour être confrontée à une nouvelle machine à broyer une soprano, Verdi, à l’instar de Rossini trente ans plus tôt, n’ayant pas lésiné sur les difficultés « offertes » à l’unique femme de la distribution au moment d’écrire cette partition. En ce mois bel cantiste phocéen, tout comme Elisabetta, regina d’Inghilterra, cette Giovanna d’Arco était donnée pour la première fois à l’Opéra de Marseille.
Roberto Rizzi Brignoli © Christian Dresse
 
Dès les premières notes de l’ouverture, le ton est donné. Le crescendo des cordes, rejointes par les flûtes, débouche sur un tutti explosif et passionné sous la direction généreuse du maestro Rizzi Brignoli. Générosité dont ne se départira pas le transalpin tout au long de la soirée. Nous avions eu l’occasion de saluer son investissement, il y a quelques jours, pour sa lecture et son interprétation de l’opéra de Rossini ; force est d’être redondant pour celui que Verdi considérait comme son « meilleur ouvrage ». Quel bonheur de retrouver, en même temps que la précision, la chaleur, la rondeur, les couleurs à tous les pupitres d’un orchestre resplendissant et visiblement des plus heureux de travailler avec ce chef admirable.
 
Ramón Vargas © Christian Dresse
 
Comme souvent chez Verdi, le chœur tient ici une part prépondérante, sur scène pour chanter le peuple et les soldats, dans les coulisses pour devenir voix divines ou infernales… Un chœur omniprésent, donc, et qui tient parfaitement ses parties avec intelligence, précision et couleurs. Les années passées sous la direction d’Emmanuel Trenque en ont fait un bijou vocal et on espère ici que l’avenir sera aussi lumineux que le présent pour cet ensemble qui devrait travailler avec le successeur, non encore choisi, d’un chef en partance pour prendre la direction artistique du chœur de La Monnaie à Bruxelles ; c’est dire ses qualités !
 
Juan Jesús Rodríguez © Christian Dresse
 
Au rang des solistes, il y a les comprimari, Pierre Emmanuel Roubet et Sergey Artamonov en la circonstance, et un trio d’enfer mucho caliente pour trois prises de rôle avec les Espagnols Yolanda Auyanet et Juan Jesús Rodríguez (Giovanna et Giacomo) et le Mexicain Ramón Vargas (Carlo VII). Pour conter l’épopée qui fera entrer la Pucelle au firmament de l’histoire de France, Temistocle Solera, le librettiste – qui a toujours refusé de reconnaître qu’il avait largement puisé chez Schiller au moment d’écrire sa Giovanna — a pris des libertés par rapport à ce qu’on enseigne aujourd’hui aux élèves sur les bancs des écoles. Ainsi, Jeanne est ici un peu amoureuse du Roi mais ne succombera jamais à la tentation charnelle pour mourir vierge au combat et non brûlée vive, soupçonnée de sorcellerie, sous les yeux de son accusateur inféodé aux anglais, l’évêque Cauchon le bien nommé…
 
© Christian Dresse
 
Yolanda Auyanet (photo) avait laissé le souvenir d’une grande Elisabeth dans le Don Carlos donné en 2017 à Marseille. Cinq ans plus tard elle chante Giovanna d’Arco pour la première fois de sa carrière et séduit son auditoire. La voix est souple, puissante et bien placée, sans vibrato intempestif et avec de l’émotion. Une interprétation vériste de belle facture et bien accueillie. Solidement campé sur les jambes, Ramón Vargas aborde le rôle de Carlo VII avec une belle personnalité. Le ténor mexicain ne manque pas de qualités et les laisse s’exprimer avec aisance et projection idéale. La voix est ronde et devient tranchante lorsque les aigus sont de sortie.íUn beau succès pour lui aussi.

Mais c’est le baryton Juan Jesús Rodriguez qui se taille la part du lion en livrant une prestation irréprochable de A à Z. Pas l’ombre du début d’une micro faille dans la voix de celui qui incarne Giacomo avec puissance et aisance, donnant à son interprétation une plénitude exceptionnelle avec la succession de sentiments qui fait de lui un personnage essentiel du drame. Un trio d’enfer pour une divine victoire, celle de Jeanne, l’envoyée de Dieu, sur l’Anglois, mais aussi, et surtout, celle du bel canto triomphant lorsqu’il est ainsi servi …
 
Michel Egéa

(1) www.concertclassic.com/article/elisabetta-regina-dinghilterra-de-rossini-en-version-de-concert-lopera-de-marseille-god-save
 
Verdi : Giovanna d’Arco —  Marseille, Opéra, 20 novembre ; prochaines représentations 23 et 25 novembre 2022 // opera.marseille.fr/programmation/opera/giovanna-d-arco
 
Photos © Christian Dresse

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