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Le Bourgeois gentilhomme à l’Opéra de Marseille – Molière, Lully et le roi Deschamps – Compte-rendu
À Marseille, le théâtre du Gymnase est désormais fermé pendant plusieurs années pour de lourds travaux de réhabilitation. La première saison hors les murs vient de proposer le Bourgeois gentilhomme à l’Opéra de Marseille, un lieu d’accueil idéal pour la comédie-ballet de Molière mise en scène par Jérôme Deschamps et donnée en version intégrale avec la musique originelle de Lully.
Théâtre, musique et danse : ce Bourgeois Gentilhomme est un spectacle total orchestré par l’ex-directeur de l’Opéra-Comique, Jérôme Deschamps. Et où, mieux que dans un opéra, pouvait-il s’installer pour prendre toute sa dimension ? Pour la circonstance, la maison lyrique marseillaise avait retrouvé sa configuration normale, avec une fosse remise à sa place et rehaussée pour accueillir les dix instrumentistes de l’Académie des Musiciens du Louvre placés sous la direction de David Dewaste (le timbalier de Musiciens du Louvre depuis une dizaine d’années).
© Marie Clauzade
Tout débute comme le veut l’histoire… La musique commence tandis que les lumières de la salle s’estompent et que les derniers spectateurs (il y en avait plus de 1200 pour la première) s’installent. Enlevée, sonnant parfaitement avec de belles couleurs, l’Ouverture augure d’une soirée synonyme de dynamisme et humour.
Jérôme Deschamps propose un bourgeois certes benêt à souhait, mais plus attachant que pathétique. Il veut tout apprendre, et surtout se cultiver, mais il ne possède pas les codes et se laisse gruger par ceux qui l’entourent. Deschamps et sa troupe développent leur humour sans outrance, revêtus des costumes superbement affriolants de Vanessa Sannino, entre les gags qui font sourire et rire, comme l’entrée de Monsieur Jourdain aux accents du Prélude du Te Deum de Charpentier ou les saucisses qui sortent du ventre du cochon au moment du dîner réunissant Dorante, Dorimène, veuve plus que joyeuse, et Jourdain.
© Marie Clauzade
Si Louis XIV avait commandé la pièce à Molière pour stigmatiser les candidats à l’anoblissement sans cause et pour casser un peu sucre sur les têtes turques, l’auteur en a profité pour soigner la gent féminine qu’il affectionnait. Jérôme Deschamps, dans sa mise en scène, ne se prive pas d’enfoncer le clou en faisant d’une Lucile omniprésente, idéalement interprétée par Pauline Gardel, une active défenseuse de l’amélioration de la condition des femmes ; à ses côtés, la Madame Jourdain de Josiane Stoleru est la parfaite représentante du bon sens du sexe dit faible, pieds sur terre, tête sur les épaules et réalisme solide.
Avec la cérémonie du Turc et le ballet final, après l’entracte, instrumentistes, chanteurs et danseurs ont l’occasion de briller, et ne la manquent pas. Menés par un David Dewante très attentif à la cohésion scène-orchestre, les instrumentistes restituent la musique de Lully avec élégance et profusion de timbres. Pour les solistes vocaux, Jérôme Varnier, Vincent Lièvre-Picard, Natalie Pérez et Lisandro Nesis, le challenge était double : s’intégrer totalement dans la comédie et ses facéties tout en soignant le chant. Mission accomplie pour le quatuor. Quant au « Ballet des nations » conclusif, il durait une cinquantaine de minutes au moment de la création (1670) ; Louis XIV et ses courtisans en profitaient pour danser et se réjouir - et Lully, jouir… de son succès ! Pour cette production, le ballet a été ramené à un petit quart d’heure, ce qui n’a pas empêché les danseurs de ravir un public séduit, heureux et enthousiaste. A juste titre !
En tournée, ce Bourgeois gentilhomme promet de faire bien des heureux dans les semaines et les mois à venir.
Michel Egéa
Photo © Marie Clauzade
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