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Le Chant de la Terre sous la direction de François-Xavier Roth au Festival de Pâques d’Aix-en-Provence 2024 – Lemieux pour le meilleur – Compte-rendu
François-Xavier Roth n’en finit pas d’innover... Et de surprendre ! En associant Rameau et Mahler au sein d’un même programme il effectue un grand écart stylistique justifié en début de concert par la volonté d’illustrer les « ailleurs » évoqués tant par la suite d’orchestre des Indes Galantes que par le Chant de la Terre. Le choix eût été incongru si le directeur musical n’avait pris soin d’aller au bout du propos en dotant les musiciens des Siècles d’instruments baroques ou copies de baroque pour servir Rameau au diapason 415 de circonstance, avant de moderniser l'instrumentarium pour donner Mahler à 440 – et « à la viennoise ».
Il faut avouer qu’à l’heure où les ensembles spécialisés travaillent les partitions baroques de fort intéressante façon, certes, mais souvent avec des effectifs restreints, profiter de Rameau donné par un grand orchestre fut un réel plaisir avec un François-Xavier Roth qui, à défaut d’imprimer la mesure avec le bâton, le faisait par tambour interposé. Originalité du moment et fraîcheur d’une interprétation extrêmement vivante livrée par des instrumentistes dynamisés par leur directeur musical. Un grand bol d’oxygène à coup de menuets, contredanses et chaconnes, sans oublier l’air des Incas pour la dévotion du Soleil, celui pour Borée et la rose et l’indispensable Danse des sauvages. Une demi-heure emplie de légèreté et de joie avant d’aborder ce qui allait devenir un inoubliable moment d’émotion musicale ; un Chant de la Terre inspiré, magnifié par ses interprètes, au premier rang desquels Marie-Nicole Lemieux (photo).
« Je me sens bien dans cette salle » avait confié l’artiste québécoise avant le concert ... Le public a quant à lui pu profiter d’un moment exceptionnel et hors du temps, qui a fait frissonner, parfois monter les larmes – une véritable masterclass de chant mahlérien. Des attaques d’une précision extrême, une capacité à maîtriser la puissance pour laisser s’exprimer l’émotion dans ce qu’elle a de plus fragile, un chant profond et sensuel, sans la moindre aspérité perturbante, afin de laisser monter très haut l’esprit hors de l’enveloppe charnelle pour arriver au point d’orgue de l’Abschied, déchirant mais tellement paisible aussi : rare bonheur ... Grâce à François-Xavier Roth, la contralto a bénéficié d’un accompagnement musical attentif, propice au dialogue intelligent. Il n’a pas moins profité à l’excellent ténor Andrew Staples dont on a d’entrée de jeu apprécié le chant, puissant et direct, sans fioritures.
Signalons enfin que le Chant de la Terre, avec les mêmes interprètes, fait l’objet actuellement d’un enregistrement à Paris. Vivement sa sortie !
Michel Egéa
11e Festival de Pâques Aix-en-Provence, Grand Théâtre de Provence, 27 mars 2024 // festivalpaques.com/
Photo © Caroline Doutre.
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