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Le Messie au Grand Théâtre Provence – Rigueur et sensibilité – Compte rendu
Avant Pampelune, le 22 décembre et après cinq dates en Allemagne, le RIAS Kammerchor et l’Akademie für Alte Musik, deux formations berlinoises placées sous la direction de Justin Doyle et accompagnées d’un solide quatuor de solistes, ont fait escale au Grand Théâtre de Provence pour donner Le Messie à guichets fermés.
Si les performances et la fiabilité des berlines allemandes sont souvent vantées, force est de reconnaître que ces mêmes qualités, plus quelques autres, peuvent aussi être attribuées à de nombreuses formations qui font les beaux jours de la musique outre-Rhin. Le RIAS Kammerchor et l’Akademie für Alte Musik Berlin comptent au rang de ces dernières et, à quelques jours de Noël, le public provençal ne s’y est pas trompé, qui est venu en nombre se délecter d’une interprétation en tous points remarquable.
Au « top 5 » des oratorios, celui de Haendel se positionne certainement en tête – et pas seulement pour son Alleluia, souvent récupéré pour être servi à la sauce publicitaire. Si cette œuvre, magistrale, notamment pour les chœurs, avait été composée pour être donnée en période pascale, il est désormais convenu qu’elle peut aussi bien l’être pendant l’Avent. De la Nativité à la Résurrection en passant par la Passion, Haendel a mis, dit-on, trois mois pour écrire le chef-d’œuvre ; car chef-d’œuvre il y a. Deux heures et demi de musique sans un temps mort ; génie d’une composition où tout concourt à captiver l’auditeur.
Autant dire que l’interprétation ne tolère aucune approximation ; c’est là que les qualités évoquées plus haut entrent en ligne de compte. La rigueur, doublée de sensibilité, dont font preuve les musiciens de l’Akademie für alte Musik, est exemplaire. Richesse du continuo, précision de tous les instants : tout est mis au service du contenu des textes chantés. L’excellence n’est pas loin, à l’image, ou plutôt aux accents d’un duo de trompettes naturelles impressionnant de justesse et d'éclat. Précision et couleurs dont ne manque pas le RIAS Kammerchor, lumineux et convaincant à tous les pupitres.
Du « made in Germany » solide et élégant idéalement complété par un quintette « so british » du côté des solistes et du chef. Si l’ouvrage, on l’a dit, fait la part belle aux chœurs, les solistes ne sont pas pour autant relégués au second plan. La soprano Julia Doyle cisèle un chant élégant et charnu, limpide, tandis que le contre-ténor Tim Mead, très présent, témoigne d’une clarté remarquable et d’une projection idéale. Le ténor Thomas Hobbs livre ses airs avec sensibilité ; quant au baryton-basse Roderick Williams, d’une présence rayonnante, il se montre impressionnant de justesse et de puissance. Parfait maître d’ouvrage, Justin Doyle emporte l’adhésion par l’élan et le fini de sa lecture, à la tête d’un orchestre et d’un chœur très attentifs. Bref, à l’instar de l’alignement des planètes, tout était réuni au Grand Théâtre de Provence pour vivre un moment rare. Ce Messie en était un !
Michel Egéa
Aix-Provence, Grand Théâtre de Provence, 20 décembre 2022 // akamus.de/de
Photo © DR
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