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Into the Little Hill de George Benjamin à l’Athénée - Dimensions du conte - Compte-rendu
Depuis la création d’Into the Little Hill en 2006 dans l’amphithéâtre de l’Opéra Bastille, George Benjamin s’est de nouveau, et par deux fois, confronté au genre lyrique, avec deux œuvres de grande envergure : Written on skin (2013) puis Lessons in Love and Violence (2018), dont la création française, en mai prochain à l’Opéra de Lyon (1), est très attendue.
À l’aune de ces deux opéras, Into the Little Hill est une petite forme, ce qui correspond d’ailleurs à son propos de conte lyrique : un conte ne se développe pas ; il s’impose par la force de sa concision même. Cela, le compositeur et son librettiste Martin Crimp l’ont bien compris en adaptant le fameux conte du Joueur de flûte d’Hamelin : poussé par la foule, un ministre s’empresse de confier à un mystérieux étranger le soin de faire disparaître les rats de son territoire ; le refus ensuite de payer son dû entraînera la catastrophe : l’étranger entraîne la propre fille du ministre « dans la petite colline ».
© Pierre Grosbois
Une petite forme donc, mais avec quelle densité ! Outre une orchestration resserrée et puissamment expressive (marquée en particulier par le son du cymbalum et le grave des instruments à vent), cela tient à la démultiplication des figures portées par les deux solistes : si l’alto Camille Merckx endosse le rôle du Ministre, si la soprano Élise Chauvin s’identifie à celui de l’Enfant, elles partagent aussi une multitude de personnages. C’est l’une des forces de l’écriture de George Benjamin que de suggérer ainsi la foule par deux voix, qui sont déjà presque un chœur. Si Élise Chauvin a montré parfois quelque baisse d’intensité vocale en regard de très beaux moments (dans la dernière section de l’opéra, dans le rôle de l’enfant), Camille Merckx a le plus souvent séduit par sa clarté et son agilité. Placées presque constamment à l’avant-scène, les deux solistes étaient rythmiquement en relation parfaite avec l’ensemble Carabanchel dirigé avec précision – et surtout avec le sens des volumes sonores – par Alphonse Cemin.
C’est aussi, assez paradoxalement, la question des volumes qui occupe Jacques Osinki. Comme à son habitude (pour Avenida de los Incas de Fernando Fiszbein à l’Athénée en 2015 (2) ou Le Cas Jekyll de François Paris l’an dernier (3) ), sa mise en scène s’appuie sur les images vidéo de Yann Chapotel. Projetées sur un tulle, elles font un espace en deux dimensions, qui renvoie à son tour aux illustrations des livres de contes et qui atteint son paroxysme – à la Lewis Carroll – dans la vertigineuse descente finale au cœur de la petite colline. Mais, ailleurs, ce sont les ombres de la scène et du hors-champ qui envahissent tout l’espace, comme ces personnages que projette le mobile lumineux installé au chevet du lit de l’enfant, seul élément de décor sur scène : ces rats anthropomorphes, tels ceux des fables ou du Maus d’Art Speigelman, racontent dans le même mouvement les mensonges que se racontent les hommes (« Un rat ne fait que voler – un rat n’est pas humain ») et les questions – innocentes et sans réponse – qu’ils suscitent chez l’enfant. Pas plus que la musique, la mise en scène ne s’apesantit sur l’indicible ; elle le suggère, prenant le spectateur dans les filets du conte ou du mauvais rêve.
Jean-Guillaume Lebrun
(1) www.opera-lyon.com/fr/20182019/opera/lessons-love-and-violence
(2) www.concertclassic.com/article/avenida-de-los-incas-3518-et-lohengrin-lathenee-le-balcon-entre-reve-et-folie-compte-rendu-0
(3) www.concertclassic.com/article/le-cas-jekyll-creation-de-francois-paris-lhomme-seul-et-son-double-compte-rendu
G. Benjamin : Into the Little Hill - Paris, Athénée Théâtre Louis Jouvet, 11 avril 2019
Photo © Pierre Grosbois
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