Journal
Madama Butterfly au Festival d’Aix-en-Provence 2024 – Made in Japan – Compte-rendu
Deux ans après la Salomé qui avait consacré Elsa Dreisig (1) au Grand Théâtre de Provence, Andrea Breth n’a pas cherché midi à quatorze heures et propose une Madama Butterfly littérale, sans excès de zèle, dans la cour de l’Archevêché. Pour cette nouvelle production, c’est Ermonela Jaho qui se retrouve dans la lumière.
Qu’il est bon de revenir aux fondamentaux en matière d’opéra ; « ça repose, c’est comme le feuillage au milieu des roses », pour reprendre quelques mots de l’une des ultimes chansons de Serge Reggiani – mais lui parlait des cons. En ce qui concerne le travail d’Andrea Breth, nul besoin de se torturer le cerveau et de se plonger dans son « petit tcherniactionnaire illustré » pour comprendre ce qui se passe sur scène … Il suffit de regarder, d’écouter et de se laisser porter par le vent qui caresse les fleurs de cerisier.
© Ruth Walz
Nous sommes bien au Japon : maisonnette de bois sombre, paravents, vêtements traditionnels : la metteuse en scène allemande à poussé le sens du détail et du réalisme jusqu’à habiller les femmes de kimonos usagés aux couleurs passées et elle n’oublie pas qu’au pays du soleil levant on se hâte lentement, à petits pas et que les masques font partie de la culture théâtrale japonaise. Scénographie et mise en scène minimalistes ? Pas vraiment selon nous ; plutôt efficaces et élégantes pour servir une œuvre qui, comme le remarque Andrea Breth « est tout sauf un opéra d’action. »
Ermonela Jaho ( Cio-Cio San) © Ruth Walz
L’oncle-bonze arrive sans fracas, mais avec de la voix, pour renier avec la famille entière sa nièce de 15 ans qui a tourné le dos à sa religion pour subir un mariage arrangé avec l’officier américain qui veut jouer avec elle une nuit alors qu’elle en est éprise. Et la sirène du bateau rentrant dans le port de Nagazaki est fort discrète, tout comme le navire qui n’est autre qu’une maquette présentée par un figurant. Tout est juste et bien réglé et la musique de Puccini peut venir habiter les lieux …
Daniel Rustioni © Davide Cerati
En fosse, on retrouve Daniele Rustioni à la tête de l’orchestre et des chœurs de l’Opéra de Lyon, maison dont il est directeur musical. Celui qui a reçu les insignes de Chevalier des Arts et Lettres trois heures avant la représentation aime Puccini et n’a aucun mal à trouver les couleurs et la sensualité d’une partition qu’il dirige avec engagement, et beaucoup de sensibilité. L’orchestre est superbe, précis et très attentif aux sollicitations du maestro, tout comme le chœur, en coulisse, dont les voix ont quelque chose de céleste.
Ermonela Jaho ( Cio-Cio San), Adam Smith (Pinkerton) & Mihoko Fujimura ( Suzuki) © Ruth Walz
Du côté des solistes, si Ermonela Jaho tient le rôle-titre avec classe et intensité, avec une rigueur d’adulte aussi qui fait parfois oublier que Cio-Cio San est une jeune adolescente. Si Lionel Lhote campe un excellent Sharpless, empli d’humanité dans le jeu et dans la voix, Mihoko Fujimura offre une Suzuki assez distante, sans véritable empathie pour sa jeune maîtresse et Adam Smith passe totalement à côté de Pinkerton avec des aigus approximatifs … Carlo Bosi (Goro), Inho Jeong (le bonze), Kristofer Lundin (Yamadori), Albane Carrère (Kate Pinkerton) et Kristjan Johannesson (le Commissaire impérial) sont des comprimari de bonne tenue scénique et vocale.
Pour jouir pleinement du spectacle nous aurions aimé bénéficier d’une distribution plus homogène dans les principaux rôles. Il faudra certainement aller à Lyon ou à Berlin, Opéras coproducteurs de cette Butterfly, pour trouver notre total plaisir.
Michel Egéa
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Puccini : Madama Butterfly – Aix-en-Provence, Théâtre de l’Archevêché, 5 juillet ; prochaines représentations les 8, 10, 13,16, 19 & 22 juillet 2024 // www.festival-aix.com/programmation/opera/madama-butterfly
festival-aix.com
Diffusion sur Arte le samedi 13 juillet à 22 h 25, disponible en replay pendant un an.
© Ruth Walz
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