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Marina Viotti, Jérémie Rhorer et le Cercle de l’Harmonie au Grand Théâtre de Provence – Amor, furor ... y calor ! – Compte-rendu
Quelle bonne idée de réunir, pour un concert labellisé « Saint-Valentin », Marina Viotti (photo), mezzo-soprano libérée, Jérémie Rhorer, directeur musical explosif, et les instrumentistes du Cercle de l'Harmonie ! Après avoir séduit, la veille, le public de l'Auditorium de Lyon, tous, en ce 14 février, ont fait chavirer de bonheur le Grand Théâtre de Provence – lieu de résidence, rappelons-le, de l'orchestre et de son chef – dans un programme idéalement composé.
À une première partie aux tons classico-baroques avec des pages de Mozart et Gluck succédait un deuxième volet bien plus débridé avec la Dalila de Camille Saint-Saëns, la Carmen de Bizet et la Léonore de Donizetti le tout accompagné de l’Ouverture du Songe d'une nuit d'été de Mendelssohn et de la Méditation de Thaïs de Massenet. Un concert de bout en bout placé sous le signe de la richesse du son et des couleurs chatoyantes d'une formation sur instruments d'époque qui nous séduit de plus en plus à chacune de ses apparitions aixoises. La Danse des furies fut un modèle du genre et la Méditation de Thaïs a tiré des frissons dans l'assistance notamment par l'entremise de Jonathan Stone, premier violon solo des plus inspirés en totale osmose avec un ensemble idéalement conduit par Jérémie Rhorer. Connaissant parfaitement, et pour cause, les qualités de sa formation, le maestro n'a eu aucun mal, par sa lecture attentive et précise, à détailler les couleurs propres à chaque pièce. Il convient aussi ici de souligner la qualité de la première flutiste, Anne Parisot, sollicitée avec bonheur, notamment pour l’Ouverture du Songe d'un nuit d'été.
Jérémie Rhorer & Marina Viotti © M.E.
Toutes les conditions étaient donc réunies pour offrir à Marina Viotti un terrain d'expression exceptionnel qu'elle a parfaitement exploité. L'occasion, aussi, pour la mezzo franco-suisse de mettre en valeur sa capacité à habiter les rôles et à donner du corps et de la voix, avec un égal bonheur, à Chérubin aussi bien qu'à Carmen.
À une première partie en rouge et noir, passion et mort, succédait une seconde plus caliente, grande robe à l'orientale largement échancrée dans le dos laissant entrevoir, avec la complicité de la dame, quelques idéogrammes tatoués. Le récital débutait avec un "Voi que sapete" délicieusement tendre pour traduire les élans amoureux d'un Chérubin vivant ses premiers émois. Changement d'ambiance, ensuite, avec les airs issus d’Orphée et Eurydice et Alceste. Déploration d'Orphée, incantations d'Alceste à l'endroit des divinités du Styx ont offert à Marina Viotti la possibilité de jouer avec sa tessiture ; graves profonds et soutenus, aigus maîtrisés et lumineusement ciselés dans les parties de bel canto baroque. De la belle, et même de la très belle ouvrage.
Après l'entracte, Marina Viotti sera une idéale Carmen pour une séguedille qu'elle maîtrise parfaitement et qu'elle redonnera en bis histoire de nous faire regretter de ne pouvoir poursuivre la soirée en sa compagnie chez son ami Lillas Pastia... Mais c'est avec ce monument de beauté et de passion qu'est l'air de Dalila "Mon cœur s'ouvre à ta voix" que l'opération de séduction de la mezzo atteindra son paroxysme; tout comme l'émotion lorsqu'on sait la fin cruelle de l'être aimé après avoir été trahie par l'aimante. Ici aussi, le chant oscille entre puissance et sensualité, témoignant d'une aisance vocale doublée d'une grande précision et d'une projection adaptée au volume de l'orchestre. Du bonheur pour cette Saint-Valentin toute d'harmonie. Il ne restait plus, à l'issue, que d'aller offrir quelques bulles à sa douce, la joie au cœur.
Michel Egéa
Photo © Emilie Brouchon
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