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Orfeo de Monteverdi au Festival Mars en Baroque à Marseille – Ornez, braves gens ! – Compte-rendu

Aussi étonnant que cela puisse paraître, Orfeo de Monteverdi n’avait jusqu’alors jamais été donné à l’Opéra de Marseille. Mieux, même, Romain Bockler qui co-dirige le festival Mars en Baroque avec Jean-Marc Aymes et qui chantait le rôle-titre de la production de l’ouvrage sur la scène marseillaise, nous confiait que c’était le premier opéra baroque donné dans la salle depuis sa réouverture en 1925. Pour fêter les cent ans il y avait une lacune à combler ; c’est fait ! Et de fort belle façon, en coproduction avec l’ensemble Concerto Soave.

© Christian Dresse
Du paradis au premier rang d’orchestre, il n’y avait plus une place dimanche 2 mars pour la représentation mise en espace de l’ouvrage de Monteverdi. 1800 personnes, de toutes générations, venues parfois découvrir, souvent s’enrichir de cette musique d’un siècle ancien, certes, mais d’une modernité exceptionnelle. Orfeo c’est avant tout une immense histoire d’amour, de faiblesse, de rédemption, de pouvoir et d’empathie; c’est aussi un édifice musical qui traverse les conventions et les siècles, usant du chœur antique et des lamenti modernes.

© Christian Dresse
Ce qui est passionnant, lorsqu’on aborde l’œuvre, c’est de prendre la mesure de l’obligation faite par le compositeur aux voix et aux instruments de s’emparer de sa ligne maîtresse, de se l’approprier et de la magnifier : ornementation obligatoire à tous les étages ! Ici c’est celui qui joue ou qui chante qui va donner l’essence de la vie à son interprétation. Pour cette première marseillaise, Jean-Marc Aymes et Romain Bockler avaient convié la fine fleur de l’interprétation « historiquement informée » pour donner sens et chair à Orfeo. A commencer par les 16 instrumentistes de Concerto Soave répartis de part et d’autre de la scène, cordes à jardin et vents à cour, avec un continuo de chaque côté. Idéal pour conférer du volume et coller au mieux au déroulement de l’action. Très bien vu !

Lise Viricel (Proserpine) & Alexandre Baldo (Pluton) © Christian Dresse
Ornementation, passion, couleurs n’ont pas fait défaut à une distribution convaincante qui a su maîtriser la démesure du lieu pour ramener l’attention à elle, la qualité de cette écoute se manifestant par une heure quarante cinq d’un silence habité de la part d’une salle conquise. La mise en espace de Jimmy Boury était limpide et les déplacements judicieux, totalement adaptés à la pièce. Développer ici les qualités de chaque membre de cette distribution serait prendre le risque d’omettre tel ou telle, ce qui serait injuste. Soulignons donc la qualité des ensembles avec un chœur où figuraient les membres de l’ensemble vocal de l’opéra de Marseille qui se sont essayés, pour certains, au langage baroque et quelques moments qui ont compté à nos oreilles avec le propos initial de la Musique, précise et délicate Lise Viricel, le duo des enfers avec Proserpine et Pluton, soit la voix chaude et colorée de Julie Vercauteren et celle, sombre et puissante, d’Alexandre Baldo, sans oubliant l’omniprésent Orphée de Romain Bockler (photo), maître en ornementation s’il en est, voix chaude et sensible aux côtés de la délicate Eurydice de Louise Thomas.(photo) Ce beau monde répondant avec justesse et passion, ainsi que leurs camarades, aux sollicitations de Jean-Marc Aymes dirigeant depuis son orgue pour obtenir un accueil des plus chaleureux de la part d’une salle conquise aux saluts. Un moment marquant à l’orée d’un 23e Festival Mars en Baroque qui se prolonge jusqu’au 30 mars.
Michel Egéa

> Les prochains concerts "Monteverdi" <
Monteverdi : Orfeo Marseille, Opéra, 2 mars 2025 ; dans le cadre du 23e Festival Mars en Baroque (jusqu’au 30 mars).
marsenbaroque.com
Photo © Christian Dresse
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