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Rencontre avec Leonardo García Alarcón – « Je pense être compositeur avant tout »
Acis et Galatée en 2011, Elena en 2013, Erismena en 2017, Le Couronnement de Poppée cette année (1): le parcours de Leonardo García Alarcón au Festival d’Aix-en-Provence est jalonné de pépites musicales, la dernière en date n’étant pas la moindre. Nous l’avons rencontré dans sa retraite aixoise, entouré de sa famille qui compte tant pour lui, pour évoquer un avenir qui promet d’ouvrir de nouveaux horizons à sa carrière.
Compositeur avant tout !
Dans quelques semaines, Leonardo García Alarcón s’apprête à vivre un moment unique avec la création, le 23 septembre au Festival d’Ambronay (2), de son oratorio La Passione di Gesù. «En fait je ne veux pas trop en parler car je stresse beaucoup », confie-t-il. Il faut dire que si son activité de directeur musical lui a souvent donné l’occasion de composer pour orner, étoffer ou compléter des œuvres qu’il allait diriger, ce rendez-vous est une grande première car il lui permet de proposer une partition d’envergure. Et même s’il avoue sa passion pour la composition, arrivant précédé d’une réputation qui n’est plus à faire, il a le sentiment de repartir un peu à zéro et même plus. « A 45 ans, j’ai eu une première partie de vie très riche en tant qu’interprète. Mais je pense être compositeur avant tout ! Ecrire me rend le plus heureux du monde et j’espère pouvoir donner une nouvelle direction à ma carrière. »
Une dimension très théâtrale
Cette Passion de Jésus est composée sur le texte d’un évangile apocryphe du IIIème siècle, intitulé « L’évangile de Judas », retrouvé en Egypte en 1976. « J’ai pu lire ce texte qui est déposé à la Bibliotheca Bodmeriana à Genève et j’ai trouvé la relation de Jésus avec Marie-Madeleine et avec Judas très théâtrale. Les images apocalyptiques qui y figurent m’ont impressionné et que je me suis dit qu’il fallait mettre ce texte en musique; ce que j’ai pu faire grâce à une commande. J’ai écrit toutes les parties vocales et je dois désormais achever l’orchestration. J’ai aussi choisi des extraits du Livre de Job, du Cantique des cantiques, de Calderón et de Quevedo en espagnol, un peu de Montaigne et un peu de Pasolini, un texte de Fellini et un autre de Paul McCartney. Il y a, aussi, des musiques du folklore argentin qui me rappellent mon pays. La polyphonie y est omniprésente, les fugues aussi… Tout cela sera donné par le Chœur de Chambre de Namur, Capella Mediterranea et six solistes, et sera proposé dans la foulée d’Ambronay au Victoria Hall à Genève. »
Atys au Grand Théâtre de Genève dans la mise en scène d'Angelin Preljocaj © Gregory Batardon - GTG
Draghi en création mondiale
En attendant cet événement, l’actualité immédiate de Leonardo García Alarcón passe par Beaune où il dirige l’oratorio Solomon de Haendel le 30 juillet (3), suivi d’un enregistrement. « Puis je vais travailler sur La Passion selon Saint-Jean avec la chorégraphe Sasha Waltz car, en 2024, j’aimerais pouvoir fêter le tricentenaire de la composition de cette œuvre ; cette production est déjà programmée par plusieurs opéras. Je vais reprendre Atys avec Angelin Preljocaj et on pourra voir ce spectacle à Aix… Il y aura aussi des représentations et un enregistrement de la Passion selon Saint-Matthieu et la création mondiale des Dons de la vie éternelle, un oratorio de Draghi ! »
Un « théâtre de musiciens » à Genève en 2024
Autre orientation majeure dans la carrière de Leonardo García Alarcón, il dirige désormais un théâtre musical à Genève. « Le théâtre est en train d’être restauré avec la participation d’une fondation genevoise et je travaille avec une équipe de huit personnes ; nous ouvrirons les portes en septembre 2024. Je veux que ce soit un théâtre de musiciens, un espace où l’on puisse créer des spectacles et travailler de façon libre sans qu’on impose ceci ou cela ; les musiciens au pouvoir en quelque sorte ! »
Pour l’heure, à Aix-en-Provence, il poursuit la série d'un Couronnement de Poppée qui lui a tiré larmes et émotions au soir de la première. « Je n’ai pas oublié qu’après le succès de son Elektra en 2013, production qui, malheureusement, fut son chant du cygne, Patrice Chéreau avait confié à Bernard Foccroulle son désir de mettre en scène Poppée en disant combien il aimerait pouvoir travailler sur cette œuvre en ma compagnie. Pour moi, c’était un honneur et c’est avec beaucoup d’émotion que je dirige Poppée ici car tout ça est encore très présent dans ma mémoire. »
Les Indes Galantes à la Bastille en 2019 © Little Shao - OnP
Rameau vivant
Quant aux Indes Galantes de l’Opéra Bastille, elles vont désormais parcourir le monde avec les chorégraphies retravaillées par Bintou Dembélé. Une production marquante pour Leonardo García Alarcón. « C’est le triomphe de la musique de danse de Rameau qui s’impose comme plus actuelle que jamais. Souvenir indélébile, certains danseurs qui ne connaissaient pas Rameau venaient me voir pour me demander si le compositeur serait là pour nous écouter… Lorsque j’ai vécu ça, l’émotion était au maximum car des danseurs de hip hop ou de rap qui pensent que le compositeur est encore vivant et qui disent que c’est la plus belle musique qu’ils ont jamais entendue, c’est incroyable. Puis il y a l’universalité de cette musique, à l’opposé des compositions réservées au Roi et à sa suite. Pour ces Indes Galantes, on a quitté le Palais Garnier, qui représente l’ancien régime, pour la prise de la Bastille par Rameau qui était un musicien révolutionnaire à l’époque. Un esprit libre ! »
Michel Egéa
(Interview réalisée le 15 juillet 2022)
(2) festival.ambronay.org/2022/Representation-803/La-Passione-di-Gesu.html
(2) www.festivalbeaune.com/produit/solomon/
Leonardo García Alarcón poursuit sa série de représentations du Couronnement de Poppée au Festival d’Aix-en-Provence les 18, 20, 21 et 23 juillet 2022 / Diffusé en direct sur France Musique le 15 juillet, l’enregistrement est disponible à la réécoute sur : www.radiofrance.fr/francemusique/podcasts/le-concert-du-soir/le-couronnement-de-poppee-dir-leonardo-garcia-alarcon-festival-d-aix-9499959
Photo © LeonardoDoPietroMaria
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