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Le Balcon, L’Itinéraire et Maxime Pascal fêtent les 70 ans de Michaël Levinas à la Scala-Paris - Dans l’attente du verbe - Compte-rendu

Michaël Levinas a été l’un des pionniers de l’aventure spectrale, quand avec Tristan Murail, Gérard Grisey, Roger Tessier et Hugues Dufourt il fonde l’ensemble L’Itinéraire. Le timbre, le cœur vivant du son, devient alors leur terrain de jeu – une préoccupation qui va rapidement les distinguer de leurs aînés habités par les grandes structures de la pensée sérielle, avant de faire école.
 

Michaël Levinas © henry-lemoine.com

On ne pouvait célébrer les soixante-dix ans de Michaël Levinas sans remonter aux sources de cette révolution esthétique. Le concert s’ouvre ainsi sur les Études sur un piano espace, jouées par Trami Nguyen. Dans cette pièce de 1977 qu’avait créée le compositeur, révisée en 2010 en utilisant les outils électroniques de son temps, les paramètres du son du piano sont auscultés, créant cet effet de grossissement de l’infiniment petit qui est l’une des marques de la musique spectrale. Autre clin d’œil aux origines du spectralisme : D’eau et de pierre, grande pièce pour deux ensembles de Gérard Grisey (1946-1998), qui n’avait jamais été reprise en France depuis sa création en 1972. Nous sommes alors au surgissement même de ce qui deviendra la musique spectrale. À Darmstadt, Karlheinz Stockhausen prononce ce même été une leçon autour de son œuvre Stimmung. Pour Michaël Levinas et Gérard Grisey, qui y assistent, ce sera un événement fondateur. D’eau et de pierre en témoigne avec ses deux formes sonores antinomiques qui s’observent, se figent et s’éclatent l’une l’autre : un continuum statique, harmonique tenu par L’Itinéraire, un discours rugueux, parcellaire porté par Le Balcon. Si aujourd’hui, l’aspect un peu manichéen de l’œuvre peut prêter à sourire, la poésie sonore qui en émane valide pleinement les géniales intuitions des compositeurs spectraux. Il faut dire que Maxime Pascal (photo), jonglant avec les deux ensembles, en restitue toute la force.
 
Deux pages plus récentes de Michaël Levinas retraçaient ensuite l’évolution des recherches du compositeur qui, sans aucunement abandonner les espaces ouverts dans les années soixante-dix, y a associé une profonde réflexion sur la vocalité : ses ouvrages lyriques – depuis La Conférence des oiseaux jusqu’à La Métamorphose et Le Petit Prince – portent ainsi la signature d’une écriture très attachée aux inflexions, aux désinences de la ligne vocale, du parlé comme du chanté. Le Poème battu (2009), application presque directe des « mots prenant corps » de Ghérasim Luca, est comme un pendant vocal – un « corps espace » – du « piano espace » entendu en ouverture, la véhémence en plus (le baryton Mathieu Dubroca prend son texte à bras-le-corps. Purement instrumental, Préfixes (1991, ici présenté dans une nouvelle version), est cependant porteur d’une dramaturgie, par une réinvention dissimulée du langage. C’est finalement là ce qui pourrait être une définition de l’œuvre de Michaël Levinas : une musique en attente du verbe.
 
Jean-Guillaume Lebrun

Paris, La Scala-Paris, 15 avril 2019.

Photo © Guillaume de Sardes

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