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Festival de Pâques d’Aix-en-Provence 2025 – Une reine et le Nouveau Monde – Compte rendu

L’édition 2025 du Festival de Pâques d’Aix-en-Provence s’est ouverte avec deux concerts donnés au Grand Théâtre de Provence. Dvořák y était célébré avec ses Symphonies n° 8 et n° 9, mais aussi Beethoven et Brahms sous les doigts de Martha Argerich et Rudolf Buchbinder.

© Caroline Doutre
Martha Argerich est une reine. Comment en douter lorsqu’on la voit, entre deux rangs de premiers violons, cheminer à petits pas vers le piano, poser sa main gauche sur le rebord du clavier et sourire, toute de sérénité, en saluant le public ? Comment en douter lorsqu’on sait qu’à presque 84 printemps, la dame va jouer une nième fois le Concerto n°1 de Beethoven et que, une nième fois, elle va donner vie à cette partition sans une once de lassitude, avec passion ? Le toucher d’une élégance rare, le sens de la nuance exacerbé, la précision et l’équilibre transforment l’interprétation en un moment de grâce ; un de plus dans cette salle du Grand Théâtre de Provence archicomble et ne vibrant que pour un interprète qui lui rend son affection avec une sublime interprétation, en bis, d’un extrait de la 3ème Suite anglaise de J.-S. Bach Pour accompagner la pianiste avec complicité et aisance, mais aussi avec couleurs et engagement, le choix de Renaud Capuçon, troquant en cette ouverture festivalière l’archet pour la baguette, s’est porté sur l’Orchestre national du Capitole. Choix gagnant lorsqu’on sait le niveau d'une phalange qui a travaillé avec Tugan Sokhiev pendant une quinzaine d’années et se trouve désormais placée sous la direction musicale du jeune Finlandais Tarmo Peltokoski.

© Caroline Doutre
A la tête de l’orchestre toulousain au grand complet, Renaud Capuçon avait décidé, en « amuse oreilles », de faire découvrir à nombre d’auditeurs la Danse mystique op. 19 de Charlotte Sohy, une œuvre (de 1922) construite autour de « l’angoisse, dans les nuits sans lune, des femmes primitives, apeurées par l’absence de lumière. La danseuse sacrée se lève ; elle implore la déesse qui règle le cours des astres, et l’aube apparaît ». Une composition qui s’inscrit totalement dans l’esthétique de l’époque, alternant plages puissantes, mélancolie et paix.
C’est avec la Symphonie n°8 de Dvořák, souvent surnommée «Pastorale », qu’était posé le point final de la soirée inaugurale. Une partition mêlant mélodies folkloriques et chants de la nature ; une occasion idéale pour l’Orchestre du Capitole de faire valoir ses couleurs et son homogénéité au long d’une interprétation limpide, lyrique et nuancée, ne se départissant à aucun moment de la ligne romantique qui sert de fil rouge à l’œuvre. Le tout sous la direction efficace de Renaud Capuçon, qui a offert en bis l’une des Variations Enigma d’Elgar.

Rudolph Buchbinder & Michael Sanderling © Caroline Doutre
Est-ce un hasard de la programmation ou une volonté assumée, toujours est-il que le lendemain, Michaël Sanderling, à la tête du Luzerner Sinfonieorchester, dirigeait la Symphonie n°9, cette « Nouveau Monde » dont tout mélomane peut fredonner dans la seconde les thèmes principaux. L’interprétation qui en a été offerte a permis d’apprécier la musicalité, les couleurs et le qualités expressives de l’orchestre helvétique, qui a abordé l'ouvrage sans emphase et sans fioritures, avec une puissance maîtrisée et une palette de nuances facilitant l’évasion au long des paysages américains qui inspirèrent Dvořák. Si la qualité des instrumentistes est à souligner, la direction sobre et efficace de Michaël Sanderling est aussi à mettre en avant, tous achevant la soirée avec, en bis, la 8ème Danse slave du même Dvořák !
Auparavant, c’est Rudolph Buchbinder avait donné le Concerto pour piano n°1 de Brahms ; idéalement accompagné par un chef et des instrumentistes qui conféraient à l’interprétation des accents romantiques et des couleurs empreinte d’une tristesse vague que la rigueur de jeu du pianiste avait un peu occultés – avant d’offrir en bis une facétieuse et virtuose paraphrase sur La Chauve Souris de Johann Strauss.
L'édition 2025 du Festival de Pâques d’Aix-en-Provence est bien née. Elle se poursuit jusqu’au 27 avril prochain et propose de nombreux rendez-vous dans la ville de Cézanne, mais aussi un peu partout dans la région…
Michel Egéa

> Les prochains concerts en PACA <
Aix-en-Provence, Grand Théâtre de Provence, le 11 et 12 avril 2025.
Festival de Pâques 2025, jusqu’au 27 avril // festivalpaques.com/
© Caroline Doutre
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