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25e Festival « Présences » de Radio France – Amérique sans pionniers - Compte-rendu
« Les deux Amériques » sont le fil conducteur du 25e festival de création musicale « Présences. C'est comme un clin d'œil aux origines de la manifestation, née en 1991 de la volonté de Claude Samuel, alors directeur de la musique de la « maison ronde » : cette année-là, le public parisien pouvait découvrir la création musicale d'outre-Atlantique et quelques repères plus anciens avec, par exemple, des œuvres de Charles Ives (1874-1954) en création française.
« Les Amériques » : le pluriel est ambitieux. Trop, peut-être ? À en juger par le concert d'ouverture, l'approche du double continent est quelque peu confuse. Pour commencer, l'un de ces « inventeurs du Nouveau Monde », Conlon Nancarrow (1912-1997), né en Arkansas mais naturalisé mexicain, qui après avoir composé beaucoup pour piano mécanique, est revenu à l'écriture pour des interprètes qui savaient l'exigence rythmique de sa musique.
Invité à diriger ce concert d'ouverture, le Vénézuélien Manuel López-Gómez, fait bien entendre les strates polyrythmiques de la Pièce n° 2 pour petit orchestre jouée par les impeccables musiciens de l'Orchestre philharmonique de Radio France, mais il manque l'étincelle, la touche de folie sans laquelle cette musique semble – contresens absolu – uniquement cérébrale.
Contemporain de Nancarrow, Evencio Castellanos (1915-1984) ancre sa musique dans le folklore du Venezuela. Dans la suite symphonique Santa Cruz de Pacairigua, écrite en 1954, il en tire une profusion rythmique et des couleurs rutilantes, tout en s'inscrivant quant à la forme ou à l'utilisation de l'orchestre dans un clair héritage romantique européen. Dirigeant en clôture de concert cette partition qui lui tient visiblement à cœur, Manuel López-Gómez entraîne orchestre et public dans un final joyeux. Mais on est bien loin de la création contemporaine.
Trois œuvres nouvelles étaient au programme : une courte pièce symphonique sans véritable forme, Espacio ritual du Dominicain Darwin Aquino (né en 1979), et deux concertos. Le premier est étonnamment hors sujet : un concerto pour hautbois du compositeur suisse Richard Dubugnon (né en 1968) qui ne présente de lien ni avec l'Amérique du Sud ni avec celle du Nord. Servi par le magnifique hautbois solo du Philharmonique, Olivier Doise, ce Concerto sacra est construit en huit sections inspirées de la Liturgie des heures et de chants grégoriens. Las, Le traitement, malgré une vraie science de l'orchestration, est assez systématique et tourne rapidement (dès les premières mesures, tout en sons multiphoniques) à la démonstration – réussie – des qualités du soliste.
La seconde création, elle aussi commande de Radio France, est un Concerto pour violoncelle d'Esteban Benzecry (né en 1970), Argentin installé à Paris. L'œuvre puise dans un folklore plus ou moins imaginaire pré- et post-colombien et s'appuie elle aussi sur la virtuosité impressionnante du soliste, Gautier Capuçon. Mais surtout elle sollicite l'orchestre de façon à prolonger ou diffracter les intentions rythmiques et mélodiques ou les qualités sonores de la partie soliste. Esteban Benzecry élabore ainsi, cachée sous une forme des plus classique en trois mouvements, une relation originale entre le soliste et l'orchestre.
Finalement, plutôt qu'une imprécise description des Amériques musicales, c'est peut-être l'exploration de l'œuvre récente d'Esteban Benzecry qui restera comme le fait marquant de ces « Présences 2015 ». Deux autres partitions sont au programme : la création de Madre Terra le 19 février par l'Orchestre national de France (à côté d'œuvres de Charles Ives, John Adams et Peter Lieberson) et la reprise des Rituales amerindios (créés par Gustavo Dudamel en 2010) par l'Orchestre philharmonique de Radio France en clôture du festival.
Jean-Guillaume Lebrun
Paris, Maison de Radio France, 6 février 2015
Photo © estebanbenzecry.com
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